LA DÉPÊCHE DU CCAPL – 6 mai 2022

Journée mondiale de la liberté de la presse !

Ce mardi 3 mai marquait la Journée mondiale de la liberté de la presse, une date qui sert  à rappeler aux gouvernements la nécessité de respecter leur engagement en faveur de la liberté de la presse. Une liberté bien souvent mise à mal…

C’est notamment le cas en Tunisie. Depuis la dictature, jamais la liberté de la presse n’a autant reculé. Dans le rapport annuel de Reporters sans frontières publié ce mardi 3 mai, la Tunisie perd 21 places, ce qui fait craindre la perte des acquis arrachés depuis la révolution de 2011. L’annonce était à la fois attendue et redoutée par les observateurs et les professionnels du secteur de l’information. Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) dénonce une augmentation substantielle des agressions touchant des journalistes. Le coup de force de Kais Saied, le 25 juillet 2021, n’a bien entendu fait qu’envenimer une situation déjà précaire. Mohamed Yassine Jelassi, président du SNJT, estime qu’«en neuf mois, la justice militaire a poursuivi plus de civils [journalistes et citoyens] pour des délits d’opinion que lors des dix dernières années».

Dans son allocution à l’occasion de l’Aïd al-Fitr, le président Kais Saied a annoncé qu’une nouvelle Constitution allait être adoptée par référendum le 25 juillet 2022. Ce texte, élaboré par un cercle restreint, pourrait bien revenir sur l’un des maigres acquis de la révolution de 2011: la liberté d’expression.  (Voir l’article sur MiddleEastEye.net)

Des journalistes tunisiens participent à une manifestation pour la liberté de la presse le 25 mars 2022 à Tunis en scandant « le journalisme n’est pas un crime » et en accusant les autorités de réprimer les médias depuis la prise de pouvoir du président Kais Saied en juillet 2021. © AFP & Fethi Belaid

Les perspectives pour les médias algériens semblent également bien sombres. La presse algérienne, et plus particulièrement la presse papier, connait une véritable crise existentielle. Le journal « Liberté », qui se définissait comme républicain et démocrate, disparaît par décision de son propriétaire milliardaire, Issad Rebrab. Le site twala.info a révélé que les comptes du journal « El Watan » ont été bloqués en raison d’un découvert bancaire de 70 millions de dinars (environ 460 000 euros) et d’une dette fiscale de 26 millions de dinars (170 500 euros). Le journal « El Khabar » s’apprêterait à dégraisser ses effectifs pour cause de difficultés financières. D’autres médias seraient  également dans une situation de quasi-faillite. Pour Redouane Boudjema, professeur à la faculté des sciences de l’information et de la communication d’Alger, la crise générale de la presse algérienne est « une crise de modèle économique, une crise de liberté, une crise de l’identité professionnelle du journaliste et une crise de tout le métier. » (Voir l’article sur l’OrientXXI.info)

Pour les plus curieux, cet article de TV5 Monde revient sur les places occupées par certains pays du Maghreb dans le classement 2022 de la liberté de la presse en faisant le point sur la situation en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Vous pouvez également consulter le classement mondial sur le site de Reporters sans frontières.

Le classement 2022 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. © RSF

À Beyrouth aussi, on met la liberté de la presse en avant cette semaine. Le Bureau de l’UNESCO au Liban a ainsi placé cette Journée mondiale sous le thème du «  journalisme sous l’emprise du numérique » (Voir l’article d’Arab News). L’évènement a pour objectif de mettre en lumière l’impact des récents développements technologiques de contrôle et de surveillance sur le journalisme et la liberté d’expression. Cette thématique réunira autour de la table les parties prenantes concernées, telles que le monde politique, les journalistes, les représentants des médias, les militants, les responsables de la cybersécurité, les experts juridiques,… afin d’entamer une réflexion sur ces questions sécuritaires mais surtout de faire émerger des pistes de solution pour la survie du journalisme libre et indépendant.

Conflit Israélo-palestinien

Pendant ce temps, le conflit israélo-palestinien gronde toujours.

Des heurts à Jérusalem puis deux morts en Cisjordanie : le vendredi 29 avril a de nouveau exacerbé les tensions entre Palestiniens et Israéliens. Ces nouveaux accrochages ont eu lieu alors qu’était célébrée vendredi la Journée d’Al-Qods (« Jérusalem » en arabe), lancée par l’Iran dans la foulée de la révolution islamique de 1979. Des milliers de personnes ont manifesté dans le pays, en soutien aux Palestiniens. Au cours des deux dernières semaines, les violents heurts ont fait près de trois cents blessés palestiniens dans et autour de l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam et site le plus sacré du judaïsme, connu sous le nom de mont du Temple. Rappelons que le lieu est administré par la Jordanie mais que son accès est contrôlé par Israël. (Voir l’article sur LeMonde.fr)

Un jeune violoniste palestinien raconte les horreurs de la détention israélienne. Athal al-Azzeh, 14 ans, affirme que les forces israéliennes l’ont torturé et l’ont privé de ses droits fondamentaux lors de douze jours «effrayants» d’incarcération. Il affirme avoir vu beaucoup d’autres garçons palestiniens comme lui, âgés de 15 à 17 ans, quand il est arrivé dans un centre d’interrogatoire et de détention dans la colonie d’Atarot au nord de Jérusalem. Athal al-Azzeh était accusé d’avoir jeté des pierres sur la base militaire et brûlé des pneus, ce qu’il nie catégoriquement. « Dans n’importe quel autre pays démocratique, quand un enfant est arrêté, un avocat est présent lors de tout interrogatoire », affirme à Middle East Eye le père d’Athal, Ahmed al-Azzeh. (Voir l’article sur MiddleEastEye.net)

Athal (à droite) a retrouvé sa maison et les bras aimants de son père (à gauche) et de sa mère, le 27 avril 2022. © MEE & Akram al-Waara

Chanter pour résister : la renaissance des chants folkloriques palestiniens. La première Intifada à la fin des années 1980 s’était accompagnée d’un renouveau et d’une documentation de ces chants. Il y avait derrière cela une volonté de rassembler un patrimoine ayant été disséminé, oublié, pillé, détruit ou perdu au fil des ans. Il faut donc savoir que folklore palestinien a été en grande partie préservé par les chanteuses et les conteuses. Celles-ci ont, pendant des siècles, été les fers de lance de la lutte par le chant. La récente génération d’artistes féminines travaille donc dur pour sauvegarder cette richesse et veulent préserver l’héritage des générations à venir. Leurs chansons constituent de véritables archives intemporelles et fournissent un miroir de la société palestinienne. Leur disparition pourrait donc signifier la perte d’une base de connaissances et la disparition d’une esthétique acoustique. (Voir l’article sur MiddleEastEye.net)

Parmi les conséquences du conflit israélo-palestinien, on retrouve bien entendu les nombreuses personnes ayant du fuir la Palestine au fil des années. Un nouveau projet de l’agence de l’ONU responsable de l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) prévoit de déléguer certains services à d’autres agences. Cette décision provoque l’indignation des Palestiniens qui y voient un désengagement de la communauté internationale à leur égard. Le budget annuel de l’UNRWA, qui compte 30 000 employés, avoisine 1,6 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros), ce qui permet d’offrir des services de base (éducation, santé) à 5,7 millions de réfugiés palestiniens répartis entre le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Cisjordanie occupée et la bande de Gaza. Chris Gunness, un ancien porte-parole de l’agence, prévient : «Si l’UNRWA est démantelée ou si ses services sont externalisés, les réfugiés palestiniens restent des êtres humains avec des droits inaliénables ».  (Voir l’article sur MiddleEastEye.net)

Notez que si cette thématique vous interpelle, l’Orient XXI organise un évènement :
« Rencontre-débat : Israël-Palestine, états d’apartheid » à l’Hôtel de ville de Paris
Vendredi 13 mai de 14h30 à 15h30

En vrac dans le Monde Arabe et au Moyen Orient…

Soudan : Lors de notre dernière dépêche, nous évoquions la triste situation alimentaire du pays. Cette semaine, les médias relayent de nouveaux faits inquiétants : la région soudanaise du Darfour a connu de nouveaux épisodes de violences meurtrières. En effet, ce sont plus de 200 personnes ont qui ont perdu la vie en quatre jours de violences (Voir l’article de  Mohammed Amin) et ce malgré un cessez-le-feu signé en 2020.

Pour rappel, ce conflit remonte à 2003, lorsque le Front de libération du Darfour prend la ville de Golo.

Maroc : Tout comme lors de notre dernière édition, il est à nouveau question de militants dans les nouvelles qui nous viennent du Maroc.

La militante des droits humains Saïda El Alami, qui se présente elle-même comme une « dissidente politique », vient d’être condamnée à deux ans de prison ferme pour « outrage envers un corps constitué » mais aussi pour « outrage envers des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions, atteinte à la justice et diffusion de fausses allégations » (Voir l’article de Middle East Eye).

Une autre polémique qui pointe le bout de son nez à l’heure des problèmes d’approvisionnements énergétique, c’est la double casquette d’Aziz Akhannouch: celle de Premier ministre et d’actionnaire principal d’Afriquia (leader sur le marché local des hydrocarbures avec Total et Shell). Le Maroc connaissant lui-aussi une hausse des prix des carburants, Aziz Akhannouch a dès lors dû s’expliquer devant le Parlement, sur la hausse des prix : 14 dirhams / litre à la pompe, (1,32€) pour un salaire minimum mensuel à peine supérieur à 260€… (Voir l’article de l’AFP)

Le Premier ministre marocain, Aziz Akhannouch à Brest (France), 11 février 2022. © AFP & Ludovic Marin

Iran : Toujours au sujet des libertés, Iran Human Rights (IHR) et Ensemble contre la peine de mort (ECPM) publient une étude très pessimiste pour le droit des femmes iraniennes. Ce rapport rend compte de la triste hausse des exécutions dans le pays : entre 2020 et 2021, ce ne sont pas moins de 333 personnes qui ont été mises à mort, soit une augmentation de plus de 25% par rapport aux années précédentes (Voir l’article de l’AFP).

Les deux ONG relèvent que « le nombre des exécutions s’est accéléré après l’élection du président Ebrahim Raïssi en juin dernier et ont doublé dans la deuxième moitié de 2021 par rapport à la première moitié ». Le régime ferait un usage systématique de torture tant physique que psychologique « pour extorquer des aveux» de prisonniers, qu’ils soient hommes ou femmes.  

La mère d’un ressortissant iranien accusé de meurtre demande le pardon de la famille, alors que son fils est amené à la potence lors de sa cérémonie d’exécution (Nord de l’Iran, 2014). © AFP & Arash Khamooshi

Qatar : La Coupe du monde de football au Qatar (21 novembre-18 décembre), la première à être organisée dans un pays arabe, a fait couler beaucoup d’encre. Les autorités qataries ont été montrées du doigt pour le sort réservé aux travailleurs immigrés venus travailler sur les chantiers du Mondial, certaines organisations humanitaires évoquant le chiffre de 6 500 décès. L’évènement contribue malgré tout au retour du Qatar au cœur du jeu géopolitique, non seulement régional, mais également mondial. Selon Sébastien Boussois, politologue spécialiste de la région du Golfe : « Le Mondial au Qatar est déjà un succès ». Ce dernier estime d’ailleurs que « La Coupe du monde doit être un moyen, pour le monde arabe, d’être fier de ce qu’il est ». (Voir l’article sur Lemonde-arabe.fr)

Liban : À l’approche des élections législatives libanaises (qui auront lieu le 15 mai 2022), le sort de la monnaie nationale reste toujours incertain. Le 7 avril dernier, le FMI et le Liban signait un accord de principe au sujet d’un plan d’aide de 3 milliards de dollars (2,8 milliards €) étalé sur quatre ans. Cependant, tout n’est pas encore gagné : les conditions inhérentes à  un tel « mécanisme élargi de crédit » sont nombreuses et implique des réformes structurelles des secteurs économiques et bancaires libanais (Voir l’article de LeMondeArabe.fr).

Libye : Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté la prolongation de trois mois de sa mission en Libye, un vote marqué par une accusation à l’encontre de la Russie lui reprochant de bloquer un mandat œuvrant à la réconciliation des gouvernements rivaux du pays actuellement au pouvoir (Voir l’article de LeMondeArabe.fr).

Dans un contexte de « guerre froide », l’ambassadrice britannique aux Nations unies, Barbara Woodward, a déclaré que « la Russie s’est une fois de plus isolée en ne se joignant pas au consensus des 14 autres membres du Conseil » qui soutenaient un mandat substantiel d’un an.

Égypte : Le statut des femmes divorcées, vaste et difficile sujet dans le monde arabe ! Une question de société qui est actuellement abordée dans une nouvelle série égyptienne : Faten Amal Harbi (du nom de l’héroïne).

La série, faisant débat dans la presse comme sur les réseaux sociaux, dénonce volontairement un statut – selon eux – encore fortement influencé par une lecture conservatrice des textes religieux (Voir l’article de Dalia Chams). Le feuilleton qui a fait émerger le hashtag « Nous sommes toutes Faten Amal Harbi », a l’objectif claire d’ouvrir les yeux sur la véritable situation de ces femmes :

« Nous avons fait exprès d’être aussi directs, car notre objectif est de communiquer notre message le plus clairement possible. (…) J’ai insisté aussi pour ne pas tourner dans des décors de studio, mais dans de vrais appartements à Choubra [un quartier de la classe moyenne au nord du Caire], par souci de réalisme. (…) Si l’atmosphère est jugée parfois trop sombre, sachez que ce qu’on a vu dans les tribunaux pendant le repérage est beaucoup plus sinistre » déclare le réalisateur Mohamed Al-Adl dans la presse.

On le constate donc, entre divorce, violence conjugale ou mariage de mineurs, la question du droit marital des femmes est une problématique sociétale encore loin d’être réglée dans le monde arabe.

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