Depuis des siècles, la langue française a emprunté toute une série de champs lexicaux à la langue arabe. Lorsque vous parlez d’ « algèbre », d’ « alcool », d’ « alchimie » d’ « abricot » ou encore de « gazelle » ou de « girafe », sachez que vous utilisez des mots qui proviennent de l’arabe.
Comment un terme tel qu’« algorithme » a-t-il bien pu débarquer dans la langue française ? Dès le XIIe siècle, tirant son origine d’un grand astronome et mathématicien du début du 9e siècle : « Al-Kharezmi », né en Ouzbékistan et mort à Bagdad. Ses écrits rédigés en langue arabe et traduits en latin au XIIe siècle ont permis d’introduire l’algèbre en Europe.
En linguistique, le phénomène est connu sous l’appellation d’« emprunt » que fait une langue, une culture, à une autre langue, à une autre culture. Un phénomène qui s’explique par l’histoire et qui s’opère de manière naturelle, témoignant des rapports entre les peuples.
L’empire arabe, à son apogée, a influencé de manière significative les cultures européennes. Et pour cause : Dotée d’une force politique, commerciale et militaire, le tout couplé à un rayonnement civilisationnel fulgurant avec le développement des sciences telles que l’astronomie, la médecine, les mathématiques et l’épanouissement de la littérature, la civilisation arabe a su profiter à bon escient de son contact avec les cultures indienne, persane ou encore grecque, multipliant les contacts en Orient et en Occident.
Expansion du monde arabo-musulman
Depuis le 8e siècle, avec les conquérants arabes qui sont entrés en Gaule, en prenant notamment Narbonne, en passant par les croisades qui ont précisément apporté leur lot de termes issus de la marine : « amiral », « caïd », « barbacane », « mamelouk ». Les termes arabes ont intégré les langues romanes du Moyen-Âge depuis l’arabe classique, à travers le vocabulaire savant.
De nombreux mots arabes sont entrés dans la langue française via le latin médiéval, l’italien, le dialecte sicilien ou encore l’espagnol. Les exemples ne manquent pas. Dans le domaine des mathématiques, ce sont des termes tels que : « zéro », « chiffre », « algèbre », en matière de chimie et de pharmacopée où les Arabes excellaient, ce sont des mots à l’instar d’ « alcôve », d’ « amalgame », d’ « alambic » qui ont débarqué dans la langue française. En biologie, des termes désignant des plantes ont marqué de leur emprunte la langue française : « henné », « ambre », « talc », etc.
Commerçants, les Arabes ont joué le rôle de trait d’union entre l’Orient et l’Occident. Une activité commerciale qui a truffé la langue française de mots d’origine arabe : « Arsenal », « douane », « magasin ». Au niveau des étoffes et des vêtements, les mots « coton », « damas », « satin », « jupe », « gilet » ont vu le jour dans la langue française. Sans oublier les noms de fruits : « orange » ou d’épices : « curcuma ».
Fin de l’apogée
Au XVIe siècle, l’empire arabe connaît plusieurs revers avec l’Espagne reconquise par les Chrétiens. Les Ottomans, eux, possédant plusieurs territoires, ont dès lors exercé une domination sur les Arabes. Les rapports entre Européens et Arabes sont à cette époque plus limités, ce qui explique pourquoi le nombre d’emprunts est nettement moins important. Des termes tels que « harem » ou des mots appartenant à la sphère religieuse : « minaret », « marabout », « ramadan », etc. ont été, à cette époque, intégrés à la langue française.
Les protectorats
Entre le XVIIIe et le XXe siècle, s’ouvre la période des « protectorats », avec la France qui conquiert l’Algérie en 1830 et qui impose le protectorat en Tunisie en 1881. La Grande Bretagne, elle, occupait militairement l’Égypte en 1882. Et au début du XXe siècle, la France a étendu son influence au Maroc qui est mise sous protectorat français jusqu’en 1956 et l’Italie en Libye.
Cette période de colonisation a eu un impact au niveau linguistique avec des champs sémantiques portant sur les luttes tels que l’illustrent les mots « baroud », « fellagha », « razzia » ou des termes en rapport avec la vie quotidienne des Maghrébins : « barda », « djellaba », « souk », etc.
Plus récemment, les différentes vagues d’immigration des Maghrébins en France ont également amené leurs lots d’influences linguistiques sur la langue française. Ou encore le conflit israélo-palestinien qui a amené les journalistes à intégrer des termes tels que « moujahiddin » qui désigne un « combattant de la guerre sainte », « hizballah », littéralement « le parti de Dieu ».
L’expansion de l’empire arabo-musulman, les flux migratoires, la façon dont les Arabes ont traduit et intégré le savoir des Grecs, la transmission de ce patrimoine scientifique et culturel à l’Europe via la traduction d’ouvrages arabes en latin dès le XIIe siècle en Espagne, expliquent assez facilement pourquoi la langue française doit autant à ses ancêtres arabes.