LA DÉPÊCHE DU CCAPL – 25 février 2022

La crise ukrainienne

La crise ukrainienne est partout dans nos médias depuis plusieurs jours mais elle l’est aussi dans les médias arabes ! Certains journaux parlent déjà des conséquences de cette crise au Moyen Orient.

Aujourd’hui, Israël craindrait que les sanctions américaines aient des répercussions sa politique étrangère (Voir l’article de Middle East Eye) : le pays est en effet dans une position délicate, puisqu’il est un allié proche et de longue date des États-Unis, mais entretient également de bonnes relations avec la Russie, notamment dans le cadre de frappes militaires menées en Syrie. Le retrait du soutien russe pourrait dès lors porter un coup à la tentative israélienne d’amenuir l’influence iranienne dans la région.

La Turquie voit, elle-aussi, sa politique nationale et internationale chamboulée : pour ce pays membre de l’OTAN, l’enjeu se situe en mer Noire !  La Turquie est le plus long de tous les États riverains de cette mer, y compris la Russie et l’Ukraine (Voir l’article de James M. Dorsey):

 « L’Ukraine est comme un barrage qui arrête toute influence et pression russe supplémentaire dans la région. Si l’Ukraine tombe, cela aura des implications directes sur la Turquie », prévient un officiel.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et le président turque, Recep Tayyip Erdoğan, (Kiev, 3 février 2022).  © Serguei Supinsky & AFP

Notons que la tension n’a fait qu’augmenter depuis la découverte en 2021 d’un champ de gaz naturel dans eaux littorales turques en mer Noire…

La crise du Sahara occidental

Plus au sud, d’autres tensions politiques se rappellent à l’actualité : celles de la reconnaissance par de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. En 2022, le royaume entend bien continuer ses tractations diplomatiques sur le sujet.

Premièrement auprès de l’Union européenne où le Maroc a nommé Youssef Amrani ambassadeur. Avec plus de 30 ans d’expérience au sein du ministère des Affaires étrangères, ce diplomate est considéré comme un spécialiste du « Sahara occidental » (Voir l’article de Rachid Bouanani).

© AFP & Lionel Bonaventure

L’Espagne est également dans le « viseur politique » du royaume marocain : il y a quelques mois, le Maroc avait en effet rappelé son ambassadrice à Madrid et coupé tous ses liens diplomatiques avec son premier partenaire commercial en Europe. La raison ? L’hospitalisation – à la demande de l’Algérie – de Brahim Ghali, le chef du Polisario, dans un hôpital à Logroño après des complications liées à sa contamination au COVID-19. Pour rappel, le leader du Front Polisario revendique l’indépendance du Sahara occidental sous contrôle marocain.

Depuis les tractations entre les deux pays vont bon train, sur fond de menaces migratoires et énergétiques (Voir l’article d’Ignacio Cembrero).

En vrac dans le Monde Arabe et Moyen Orient …

Arabie saoudite – Émirats Arabes Unis : Discorde entre deux princes. Mohammed ben Salmane (prince héritier d’Arabie Saoudite) et Mohammed Ben Zayed Al Nahyane (prince héritier d’Abou Dhabi) semblaient auparavant indissociables en affichant le même volontarisme modernisateur. Ce lien était d’ailleurs tel que les initiales de « MBS » étaient systématiquement associées à celles de « MBZ ».  MBS aurait cependant mal vécu d’être trop souvent caricaturé comme la simple partie « muscle» d’un duo dont le «cerveau» serait son homologue émirati de vingt-quatre ans son aîné. Ajoutons à cela l’accumulation de contentieux de plus en plus sérieux entre leurs pays… (Voir l’article sur LeMonde.fr)

Le prince Mohammed Ben Salman (à droite) accueillant le prince Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, le 19 juillet 2021 à Riyad. © Saudi Press Agency via Reuters

Émirats Arabes Unis :  Le musée du futur a de quoi surprendre. Ce nouvel édifice hors norme vient d’être inauguré à Dubaï et a été présenté comme étant « l’immeuble le plus beau au monde ». Ayant la forme d’une ellipse creuse en argent, le bâtiment est orné de calligraphies arabes et de centaines de mètres d’ampoules LED. Le musée occupe une place prépondérante sur le Sheikh Zayed Road (principal axe routier de la ville).

Bahreïn : Les appareils de trois militant·e·s ont été piratés grâce au logiciel espion israélien « Pegasus ». Les victimes de cette attaque ont un point en commun non négligeable : avoir critiqué le gouvernement bahreïnite. Près d’une trentaine de membres du gouvernement (dont plus de 20 députés, membres du gouvernement et de la famille royale) sont actuellement considérés comme cibles potentielles. NSO Group (l’entreprise israélienne de technologie derrière l’outil de surveillance numérique ciblée Pegasus) ne compte que des gouvernements parmi ses clients. L’inquiétude grandit à propos de telles violations des droits humains.  (Voir l’article sur Amnesty.org)

© Amnesty International

Égypte : La Cité des morts du Caire craint de partir en poussière. La célèbre nécropole, inscrite avec le Vieux Caire au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1979, est menacée par des travaux de réaménagement et des projets routiers. Parmi les personnes fermement opposées à une pareille disparition, on retrouve les « Chevaliers de la Cité des morts ». Ce groupe d’une vingtaine de personnes tente de défendre le patrimoine funéraire des Égyptiens. La première phase des travaux a déjà engendré la démolition de certaines tombes. La seconde phase est imminente et apportera également son lot de pertes. Les autorités affirment qu’elles ne toucheront pas aux bâtiments classés monuments historiques. Les défenseurs des lieux, quant à eux, estiment que les vieux cimetières sont riches de caveaux remarquables n’étant pas pour autant répertoriés. (Voir l’article sur l’OrientXXI.info)

Maroc :  Le pays fait face à l’une des pires sécheresses de son histoire. Les agriculteurs ne sont pas les seuls à être touchés car l’approvisionnement en eau potable de plusieurs villes et villages a également été réduit. Le taux de remplissage des barrages dépasse légèrement les 30 %. « Près de deux cent cinquante familles de deux villages ne disposent pas d’eau potable. Nous avons un réservoir d’eau, mais nous ne sommes pas raccordés au réseau national […]» déclare Moustapha Mellouki, président de la commune de Fedala. Le roi du Maroc, Mohammed VI, a annoncé la mise en place d’un « programme exceptionnel, élaboré par le gouvernement et qui vise à atténuer les effets du retard des précipitations, à alléger l’impact sur l’activité agricole et à fournir l’aide aux agriculteurs et aux éleveurs concernés».  (Voir l’article sur Arabnews.fr)

Prière pour la pluie dans une mosquée près de Rabat en novembre 2017. © AFP

Face à cette sécheresse, la neige au Sahara fait figure d’image insolite ! Selon le chercheut Jasper Knight, de l’Université de Witwatersrand:

« Les schémas de circulation de l’air en hiver attirent de l’air frais et humide vers le nord du Sahara depuis l’Atlantique et la Méditerranée. Cela se traduit par des précipitations hivernales plus élevées le long de la frange saharienne en cette saison ».

© Facebook et Middle East Eye

Malheureusement, pas de quoi enrayer le dérèglement climatique et l’inexorable avancée du désert:

« Au cours des dernières décennies, le Sahara lui-même s’est également agrandi en raison de l’assèchement du sud du Sahel et de sa transformation en désert, et cela devrait continuer dans les décennies à venir », prévient le chercheur.


Liban : L’Union européenne va envoyer des observateurs pour les élections législatives du 15 mai au Liban. “La tenue d’élections est avant tout un droit et une attente du peuple libanais, ainsi qu’une responsabilité souveraine que le gouvernement libanais doit assumer (…). Le travail de la mission de l’UE contribuera à un processus électoral inclusif et transparent et à renforcer davantage la voie démocratique et les réformes au Liban” a déclaré Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne. (Voir l’article sur Arabnews.fr)

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell © AFP

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell s’exprime lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre des Affaires européennes et étrangères français sur la situation entre l’Ukraine et la Russie, à Paris, le 22 février 2022. (Photo, AFP)

Au cœur de ce pays affaibli par la crise économique, voici une nouvelle qui a de quoi soulager tout un peuple : trois projets d’attentats du groupe Etat islamique ont été déjoués. Les attaques visaient des lieux de culte chiites dans la banlieue sud de Beyrouth. Ces projets ont pu être déjoués grâce à un agent qui avait réussi à s’infiltrer dans les réseaux de l’EI au Liban. Le ministre libanais de l’Intérieur, Bassam Mawlawi, a affirmé que de telles attaques auraient fait de nombreuses victimes.

Le ministre libanais de l’Intérieur Bassam Mawlawi évoquant les attaques déjouées. © AFP

Dans les évènements récents, les hommages envers Sammy Clark se multiplient. L’artiste vient de décéder à l’âge de 73 ans. Si son nom ne vous semble pas familier, peut être que celui de Goldorak (ou Grendizer) vous évoquera davantage de souvenirs. Né sous le nom de Sami Hobeika à Dhour Choueir (dans la montagne libanaise), Sammy Clark était devenu un véritable passeur de la culture du dessin animé japonais dans le Monde Arabe en doublant, chantant et composant tous azimuts certaines mélodies ayant marqué l’enfance de nombreux adultes d’aujourd’hui. « Les enfants qui ont grandi pendant la guerre civile libanaise vous remercient d’être la voix de “Grendizer” (Goldorak). La série et son protagoniste offraient l’idée d’une réalité alternative où la justice pouvait prévaloir et le bien vaincre le mal » évoque un tweet du Dr. Farid Talih (médecin à l’Université américaine de Beyrouth). (Voir l’article sur Arabnews.fr)

Libye : Lors d’une de nos précédentes dépêches, nous évoquions la tentative d’assassinat dont avait été victime le président libyen. Cette atteinte à sa personne ne semble pas avoir fait peur à Abdelhamid Dbeibeh : alors que son autorité est de plus en plus contestée, il a récemment déclaré qu’il ne remettrait le pouvoir qu’à un gouvernement élu (Voir l’article de LeMondeArabe.fr)! Des élections – déjà reportées à plusieurs reprises – sont prévues pour le mois de juin.

Arabie Saoudite -Yémen : De nouvelles victimes dans la guerre entre l’Arabie Saoudite et le Yémen (Voir l’article de LeMondeArabe.fr) !  L’agence de presse publique saoudienne a déclaré que 16 personnes de différentes nationalités avaient été blessées dans un aéroport du sud du pays, à la suite de l’interception et de la destruction d’un drone transportant des explosifs lancés depuis le Yémen.

Iran – Israël : Alors qu’Israël se sent déstabilisé par la crise ukrainienne – comme nous l’avons vu plus haut –, la négociation sur le nucléaire iranien n’a pas que quoi rassurer l’état hébreux ! En effet, un nouvel accord serait sur le point d’être signé: cet accord serait cependant loin du traité « plus long et plus fort » promis par les États-Unis. Et Naftali Bennett, le Premier ministre israélien, de déclarer :

« L’accord qui se dessine, tel qu’il semble, est hautement susceptible de créer un Moyen-Orient plus violent et plus volatil ».

Nous verrons si l’avenir lui donnera raison …

Société : Les quartiers populaires face à la métropolisation. Dans de nombreux pays du monde, les processus de mondialisation et de métropolisation mis en œuvre depuis plusieurs décennies ont entraîné une profonde mutation des villes. Des travaux de terrain ont été conduits dans des quartiers représentatifs de ces mutations : cinq villes au nord de la Méditerranée (Cagliari, Turin, Barcelone, Grenade et Marseille) et sept villes au sud (Rabat, Casablanca, Fès, Alger, Tunis, Istanbul, Ankara). Les résultats mettent en évidence la circulation de modèles de gouvernance, de régulations sociales et politiques ainsi que des modes de mobilisation et de résistance aux transformations imposées d’en haut. Les changements subis se répercutent sur les espaces de vie des habitants et leur rapport à la ville. Des changements vécus comme une remise en cause de leur citoyenneté… (Voir l’article de Nora Semmoud sur Lemonde-arabe.fr)


Culture : Le « Dictionnaire des islamismes » paru aux éditions du Cerf et écrit par la sociologue Amélie M. Chelly fera « référence » selon Sébastien Boussois (politologue et spécialiste du Moyen-Orient). L’auteure propose un ouvrage avec plus de 200 entrées tentant de couvrir l’ensemble du phénomène politique, géopolitique, sociologique et religieux se revendiquant de l’islam. Elle propose ainsi un découpage thématique des mots selon leurs types : des mots issus du domaine religieux, des concepts construits dans le cadre des islams idéologiques et ceux liés à l’évolution des grands courants islamistes. De quoi y voir plus clair dans un sujet si complexe à appréhender. (Voir sur lemonde-arabe.fr)





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